La « marketplace » des idées

13 minutes

Nous trouverons toujours quelques centristes un peu bébête pour dire des choses du genre « Dans une démocratie, nous devons affronter nos ennemis (i.e. souvent les fascistes et les différentes doctrines de haines) sur la place de marché des idées, et non interdire leur théorie. ». C’est une notion qui a largement été critiqué – parce que le fascisme n’est pas qu’une opinion abstraite qui n’a aucune influence sur le monde, des tas de gens souffrent des oppressions causées par ces « opinions ».

Cependant, il faut remarquer également que cette expérience « the marketplace of idea » est discutable. Parce que je pense que c’est un soucis que nous avons vraiment à l’heure actuelle : le monde des idées est devenue une « marketplace », c’est c’est en grande partie ce qui fait le beurre de l’extrême droite.

Un marché n’est pas sain

Un premier point à constater est que tout marché à sa part d’arnaque, de vols, de « marché parallèle ». Mon idée n’est pas dire dire qu’un marché vu comme « illégal » serait forcément malsain – cela dépend des juridictions en place. Il y a eut et a encore de nombreux cas ou l’existence de marchés parallèles sont tout a fait justifié par des situations géopolitique et sont même nécessaire pour certaines personnes pour faire une activité potentiellement utile pour eux : vivre. Non ici je parle de l’existence d’arnaques, de tentatives de tromper, de tentatives d’amener les gens vers des comportements qui leurs seront néfastes.

Ce serait une erreur selon moi de ne pas considérer qu’ils fassent partie intégrante du marché de manière globale. Ils résulte de l’action consciente et volontaire de certains acteurs du marché de chercher un moyen d’obtenir de l’argent en contournant les manières légales et morales, et en mentant aux consommateurs. Il y a de nombreux cas ou la frontière entre commerces « légitimes » et ce genre de pratique est flou, et même de nombreux commerces qui utilisent des pratiques du même styles que des arnaques réussissent à rester dans des clous via des technicalité (par exemple le Multi-Level-Marketing qui réussi à être légal malgré un fonctionnement pouvant les considérer comme étant des commerces pyramidaux).

D’ailleurs, il y a des tas de cas où le mensonge et la manipulation sont utilisés même dans des entreprises dites « légitimes », souvent sous le régime du « tant qu’on est pas pris », tout va bien. Des tas d’affaires ressortent régulièrement parlant des différentes manières dont des entreprises ont plus ou moins fortement faussé des résultats, tourné des informations de manière à paraître plus en forme qu’elles ne l’étaient.

Et selon moi, cela a comme origine la logique même de marché. En considérant les règles, l’éthique, etc. de la même manière que les autres éléments du marché, obéir ou désobéir au règle ne devient qu’un calcul entre ce qui rapporte et les risques. D’où le fait que « réussir à ne pas se faire prendre » où « influencer les règles du jeu » deviennent des composantes du système. C’est moi moi la limite de la notion de « main invisible » telle qu’elle est souvent utilisée : L’idée que la somme des intérêts individuels fait l’intérêt collectif possède la limite que parfois, l’intérêt personnel va dans le sens de ne pas respecter les règles du jeu.

La manière dont internet s’est rempli de scams, de « get-rich-quick scheme » (ces plans visant à gagner rapidement de l’argent, souvent de manière moralement et/ou légalement grises), ou de trucs genre le « passive income » (qui est quasiment toujours soit une arnaque, soit un moyen d’arnaquer des gens) montre selon moi que le marché ne conduit pas naturellement vers quelque chose de sain, et qu’il ne soit pas être érigé en « modèle », et que les logiques de marchés ne sont pas à placer partout. L’idée de croire qu’un produit, qu’une entreprise réussie dans le marché parce qu’elle a été « la meilleurs », qu’elle a fourni « le meilleurs produit », etc… est globalement faux. Une grande partie des entreprises ont réussi grâce à un certain niveau d’exploitation (des ressources, des individus et/ou de nos données personnelles).

La marketplace des idées, c’est pareil

Comme le dit le titre : tout ces soucis des marchés économiques se retrouve dans l’idée de la « marketplace des idées ». Déjà, parce qu’on y retrouve cette même croyance : cette idée que « l’idée qui est bonne c’est celle qui réussi à convaincre ». Si elle n’est pas dite clairement, et que les gens défendant la « place de marchée » des idées sont prêt à accuser des gens de manipulation, cette idée est nécessaire que pour une place de marchée soit ne serait-ce que possible. Une telle place de marché n’est un concept viable que si on prend l’idée que si une idée est « la meilleurs », alors elle devrait être naturellement capable de convaincre les gens. Déjà, rien qu’en disant cela, on voit tout les exemples qui nous viennent en tête, les manipulations, les manière de pipée les données du jeu. Que mettre comme cela toutes les idées au même niveau, de manières neutres serait pas vraiment une bonne idée.

A cela, la réaction qu’on entends est souvent de dire « oui mais dans un vrai débat, on est bien capable de voir que les idées sont néfastes » – et souvent pour aller dire « oui mais si les idées ont atteint un tel point, c’est bien qu’il y a un fond de vérités » (souvent de gens qui iront aussi dire que ceux qui suivent une autre idée dominante sont des moutons). Cette notion possède le soucis aussi de créer une forme de « biais du survivant », qui déjà entraîne l’idée que « l’idée dominante » (ou « l’idée qui monte ») serait bonne. Combinée aux effets de bulles, elle est catastrophique, parce qu’elle peut renforcer des idées fascistes, parce que la bulle à placé quelqu’un dedans. Cela participe aussi à une « opinionisation de la pensée » ou « chacun à son opinion et voilà », ce qui est pas un soucis pour des sujets genre « est-ce que Pokémon ou Digimon c’est mieux », mais un peu plus quand on commence à dire « estimer que les <insérer groupe minorité et/ou opprimé ici> ne sont pas des vrais humains c’est qu’une opinion ».

Cette vision donc des idées comme s’opposant et « le meilleurs argumentateurs gagne », cela met donc une fausse égalité, qui renforce les différents moyens de manipulations habituels (genre se faire passer pour la « personne calme » en énervant son adversaire) ainsi que les phénomènes tels que la loi du bullshit (dire quelque chose de faux prend un ordre de grandeur moins de travail que de le réfuter). Les empêcher de se renforcer est plus important, et cela compte le déplateforming.

De plus, les discours oppressifs sont basée sur des siècles de préjugés, d’idées reçues, de mensonges. Ils trouvent toujours moyen de revenir, parce que debunker leurs arguments n’est pas assez. C’est le défaut suivant de l’idée d’une « place de marché » des idées : elle ne marche que dans un cadre théorique qui serait purement rationnel. Hors, la haine ne l’est pas : elle utilise les arguments pour venir à un résultat établi dès le début, qui est la volonté d’opprimer, de créer sa société basée sur un passé fictif où il n’y aurait plus cet « autre ». Et c’est ce qui la rend d’autant plus redoutable, et qui rend le débat d’idée si inefficace dans ce cadre.

L’entreprenariat d’idée

Cependant, cela provoque un dernier aspect qu’il est important de noter : les deux « marketplace » sont liées. Nous en voyons de plus en plus : des influenceurs se positionnant avec un discours – souvent avec plein d’idées oppressives et régressives – et qui derrière ont un business de scams. Des Andrew Tate, y’en a des tonnes sur internets.

Les idées donne du pouvoir, et du pouvoir donne des manières de s’enrichir. De plus, en rationalisant, donnant des explications à des sentiments néfastes et des préjugés, des prédicateurs se forment une fanbase dédiée et prête à tout pour défendre leur vision. L’utilisation de phénomène comme la réactance (la manière dont on réagit face à l’impression que notre liberté est limitée) en se faisant passer pour « censuré » est également très efficace pour renforcer l’engagement dans son idéologie. Et tout cela, ça permet de soutirer de l’argent. Parce qu’il est alors facile de promettre montagnes de richesse, prospérité, en le combinant à un cadre théorique qui se base sur des biais, l’envie d’être « les gentils », etc. C’est selon moi ce qu’on retrouver dans l’évolution récente des memestocks, comme décrit dans la vidéo de Folding Ideas sur le sujet : l’idéologie et l’appat du gain s’entraide dans une communauté qui s’autoscam. C’est aussi présent dans l’univers des cryptomonnaies : cet idéologie hyper-capitaliste d’une société ou la monnaie ne serait gérée que par « le marché » sert à faire d’un milieu pleins de get-rich-quick-scheme plus que ça, à en faire un « mode de vie », une « lutte » contre le système (tout en répliquant ses fonctionnements).

On retrouve aussi cela dans les sectes et les mégachurch américaines, tel quel le « Propsperity Gospel », ou, le fait de donner à l’église est mise au centre de la croyance. Ici, l’idée et le gain monétaire sont mis ensemble en une idéologie, qui permet un enrichissement rapide sur le dos des croyants. Et souvent, les deux se lie aussi côté croyant, en faisant passer le fait de laisser son argent pour une forme d’investissement : « donne à dieu, et dieu te rendra ». Avec souvent l’idée que si les bonnes choses espérées n’arrivent pas, alors on n’a pas assez donné.

Il est d’ailleurs à noter que cela se produit notamment beaucoup dans les milieux autoritaires : il y a une forte porosité entre les scams très présents de ces derniers temps (crypto, MLM, get rich quick scheme, etc) et les idées oppressives et autoritariste, souvent parce qu’elles se basent souvent sur les idées de la « réussite » et sur le fait de chercher des boucs émissaires en responsables de la situations de ceux qu’ils cherchent à recruter et à soutirer de l’argent, et cherche souvent des personnes qui donneraient « la réponse » (on retrouve ça dans la moitié des scams crypto qui cherchent un moyen de faire référence à Elon Musk d’une manière ou une autre).

Conclusion

Comme le marché économique, si on fait du débat d’idée et du monde des idées une « marketplace », on créer les même incitations à tricher, à ne pas respecter les règles du jeu. Elles sont encore plus forte là où le fait de gagner ici permet en plus d’avoir du pouvoir. Même dans le marché économique, certains produits ou certaines entreprise peuvent être interdites. Cela montre que de base, l’idée de tout mettre sur un marché et de laisser « la main invisible » faire ne fonctionne pas. Alors pourquoi on le laisserait avec des idées voulant clairement oppresser ?

Surtout que les discours peuvent servir en plus des intérêts économiques, donc en plus des incitations lié au pouvoir, la « marketplace des idées » comporte des incitations économique, de nombreux guru ayant des choses à vendre, et de nombreuses idéologies politiques (notamment d’extrême droite), sont financée par des groupes économiques (ce qu’on retrouve aussi bien aux US qu’en France, d’ailleurs)

Plus que la question « est-ce qu’il faut tout autoriser », la question devrait devenir : quels sont les critères pour dire qu’une idée est acceptable ou non ? Surtout que dans les faits, elle l’est déjà : de nombreuses plateforme se disant « free speech », se sont retrouver à interdire et brimer des discours (et souvent des discours progressiste.

Il faut donc arrêter de traiter l’espace du débat comme une sorte d’espace théorique de discussions ou les mots n’ont pas de conséquence. C’est une attitude irresponsable, et honnêtement franchement pas futé.

Image d’illustration :

View of a marketplace, par Stevens, Pieter (1567-après 1624)