Mickey et le domaine public

13 minutes

Je suis un peu en retard pour la fête, mais on parle beaucoup de l’utilisation de Mickey dans le domaine public. En effet, ce premier janvier 2024, le Mickey de Steamboat Willie est rentré dans le domaine public. Cette version originelle du personnage est donc désormais réutilisable par des créatifs qui voudraient faire des choses avec. Après 95 ans, et le lobbying de Disney pour prolonger le copyright via le surnommé Mickey Mouse Protection Act, il y a un vrai air de « enfin ». La firme, qui a pourtant gagné sa réputation et son argent sur de nombreuses oeuvres du domaine public, à farouchement lutté pour éviter que cela arrive, mais c’est fait : le premier dessin animé de Mickey, un classique de l’animation, est dans le domaine public. Avec lui deux autres dessins animés d’animations le sont aussi : Plane Crazy et The Gallopin’ Gaucho (seulement l’image pour ces deux là)

Le court-métrage est d’ailleurs disponible du coup sur l’Internet Archive, pour celleux qui souhaiteraient le regarder.

Et moins de 10 heure après son élévation dans le domaine public, une vidéo d’un projet de jeu d’horreur avec un Mickey horrifique (non sans rappeler Winnie the Pooh: Blood and Honey) est annoncé.

Je ne vais pas trop parler du projet en lui-même, qui je trouve est assez low-effort. C’est de manière visible du low effort pour profiter qu’un personnage connu soit tombé dans le domaine public. Ce qui n’est pas illégal a priori en soi, mais est un peu easy (c’est du niveau d’un mockbuster qui reprend la même histoire qu’un gros film connu pour tenter de chopper des ventes, imo). C’est rigolo, deux minutes, mais la blague a déjà été faites.

La grande question que beaucoup se posent cependant, c’est quelles sont les limites, avec le droit des marques, les version ultérieur : qu’est-ce qu’on peut vraiment faire avec Mickey ? D’après Jennifer Jenkins, Directrice du Duke Center pour l’Étude du Domaine Public, dans son article Mickey, Disney, and the Public Domain: a 95-year Love Triangle il s’agit surtout de ne pas toucher les version ultérieur, et de ne pas reprendre des éléments ultérieurs :

Une image en forme de

L’idée est donc simple, a priori :

  • Pas d’utilisation d’élément ultérieur de Mickey
  • Ne pas le faire d’une manière ou on pourrait croire que Disney l’a fait.

Ce premier élément va aussi dans le sens de déclaration de Disney eux-même rapporté par le Parisiens :

Dans un communiqué à l’AFP, la multinationale a assuré qu’elle « continue(rait) de protéger (ses) droits sur les versions plus récentes de Mickey et sur d’autres œuvres restant protégées par le droit d’auteur ». Ainsi des versions ultérieures des personnages, dont celles apparaissant dans le dessin animé « Fantasia », sorti en 1940 et qui restent donc en dehors du domaine public et ne pourront être copiées sans l’aval de Disney.

Sylvain Merle et AFP (1 janvier 2024), Le premier Mickey tombe dans le domaine public, mais Disney ne désarme pas, publié dans Le Parisien

On peut se dire que cela concerne surtout des trucs comme son pantalon rouge, sa voix iconique, etc (pas de « ohoh », désolé).

Cependant, c’est là ou je pense que cela peut être complexe. Parce que « des éléments ultérieur », pour un personnage comme Mickey qui a tout fait, cela peut être très vaste. En effet, Mickey est un personnage qui a souvent été utilisé pour incarner des rôles très différents, apparaissant comme un héros entrant dans un univers surnaturel dans Dimension M, étant souvent dans les BD enquêteur, a été un magicien dans « le cycle des magiciens », est un roi dans Kingdom Heart et ayant souvent pris la place de héros de fictions connus. Comment définir ce qui a été fait dans un élément ultérieur ou non, et ce qui « compte » ? Surtout qu’on sait que des ayants droits peuvent faire des procès pour le moindre petit élément, comme le montre le comportement des ayants droits de Sherlock Holmes, qui ont attaqué le film Enola Holmes sur le fait que Sherlock Holmes à des émotions et des sentiments. Malheureusement, il semblerait que le cas n’a jamais été totalement jugé, ne permettant pas de savoir si une telle chose peut bien être copyrightée.

Limite, dans ce cas là, faire un « Legally distinct Mickey » est peut-être plus simple en fait. C’est sans doute pour ça d’ailleurs que l’horreur est une réponse si simple, ou faire des parodies évidente genre un « Mickey en méchant », ou intégrer ce Mickey-de-Steamboat-Willy dans d’autres settings ou c’est le fait qu’il soit de Steaboat-Willy qui est important (genre un univers à la Fable, etc). Ce Mickey n’est pas simple à utiliser créativement (mais c’est possible, surtout compte tenu que ce Mickey est bien plus « petit con » que le Mickey plus sage futur. Idem pour le « Pat Hibulaire » qui est très différent).

Le même soucis va exister dans ~10 ans lorsqu’il y aura l’expiration de Superman, Batman, etc. D’après l’article de Business Insider There’s bound to be legal drama when Batman and Superman enter the public domain in coming years — but experts caution there’s ‘no precedent’ for the thorny issue, Superman devrait arriver dans le domaine public en 2034, mais de nombreux éléments n’étaient pas dedans dès le départ (par exemple, il ne pouvait pas voler), et cela fait de nombreuses choses à esquiver dans ce cadre.

On pourra utiliser tout les éléments présent des premières BD qui sont montée dans le domaine public, mais d’un autre côté, il faudra réussir à esquiver tout élément de caractérisation qui n’étaient pas là au début, et seront introduit plus tard dans les personnages. C’est un sacré numéro d’équilibriste, qui peut être intéressant, mais pas facile si on veut faire quelque chose de différent de sa première apparition avec, vu que quasiment tout a été fait avec. Même ici un Superman ou Batman d’horreur risqueraient de se retrouver en conflit avec des trucs existant.

Surtout quand à côté, pour faire du mockbuster ou rappeler les personnages, il y a des tonnes de clone de ces héros passé dans le domaine public et complètement légalement utilisables (et utilisés), tel qu’on peut le voir dans le wiki Public Domain Heroes. ( J’en utilise notamment quelques uns dans mon univers Erratum – petite seconde auto-promotion 😀 ).

C’est tout le soucis de tenter de faire des interprétations du personnage, et ça montre les limites un peu dans le droit autour de ça.

EDIT : En fait on dirait que c’est plus complexe et nuancé que ce que j’ai dis, d’après la vidéo de LeagleEagle sur le sujet, qui semble indiquer que y’a débat possible sur quelles modifications futures peuvent rentrer ou non dans le domaine public :

Je pense que cette vidéo est importante à regarder sur le sujet, et bien plus juste que mes petites recherche de not-a-lawyer XD

Bref, toute cette question est très compliquée, et après y’a des tonnes d’autres trucs tout aussi voir plus intéressant à réutiliser dans le domaine public.

Cela dit, vu comment Disney a fait du lobbying contre le domaine public, tout en réutilisant des tonnes d’oeuvres du domaine public au point de les rendre parfois synonyme avec eux (une partie de leur argent s’est fait sur la culture existante), y’a aussi une grande part de « cheh », et en ayant fait plusieurs mouvement en direction de l’IA. C’est ce qui est le plus marrant dans cette affaire : je pense sincèrement que la montée de Mickey dans le domaine public a fait du bruit surtout à cause d’à quel point Disney a tenté de l’empêcher. En soi, « Mickey dans le domaine public », c’est surtout un symbole. Par leurs actions, Disney à amputé une partie du domaine public pendant des années, pas que de leurs œuvres, mais également de centaines d’autres héros et personnages faisant partie de la culture populaire depuis des années et sont verrouillé dans des « franchises » lucrative plutôt que d’être des éléments de culture comme le sont des légendes arthurienne, Robin des Bois, les contes de grimm, etc.

Surtout que dans tout ça, ce ne sont pas les droits des artistes qui ont été « protégé », mais des intérêts financiers d’ayant-droit (que ce soit par les augmentations du copyright après la mort d’un artistes, ou des durées « absolue » de copyright pour les œuvres n’étant pas lié à un artiste). De plus, pendant ce temps là, Disney à utilisé de l’IA et sous-paie de nombreux artistes via les plateforme de streaming, ce qui révèle toute l’hypocrisie autour de ces histoires. Ce qu’il faut protéger, ce sont les droits des artistes en vie, qui sont attaquer par l’IA générative, et par la précarisation de leur situation de plus en plus forte. Et allonger la durée de copyright n’aide en rien les artistes, puisqu’à l’entrée dans le domaine public d’une œuvre, soit c’est une œuvre collective qui ne rapporte pas forcément à ses auteurs, soit plus vraisemblablement iels sont mort.

De plus, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de valeur avec des montées dans le domaine public de personnages comme ça, puisqu’au fond, c’est aussi des personnages qui font parties de l’imaginaire collectif, et ça peut être aussi un rôle de leur utilisation. Et puis, l’univers de ce qui sera utilisable va s’enrichir au fur et à mesure des prochaines années pour avoir de plus en plus de l’univers des « premiers Mickey » : L’année prochaine, Kat Nipp (un ancien antagoniste de Mickey), la version « humanisée » de Clarabelle, Horace, Patricia Pig et deux attributs de Mickey (les gants et sa voix) rentreront dans le domaine public.

C’est le début d’une ouverture de vieux cartoon, et de la possibilité de créer de nouvelles oeuvres à partir de cela. S’il y aura toujours les limites dont j’ai parlé plus haut, le Mickey de l’époque fait partie de tout une époque du cinéma d’animation, et il sera possible de faire hommage à cette époque en remixant et combinant différents concepts et séries.

De plus, pour terminer, j’aimerais indiquer qu’il ne faut pas hésiter à puiser dans les éléments moins connu du domaine public, pour participer à aussi faire découvrir des oeuvres moins connues, etc. Le Domaine Public peut être un moyen de célébrer ce qu’on fait les humains, de le faire découvrir et connaitre, et je pense qu’il est intéressant de voir ce qui d’autre s’est élevé dans le domaine public cette année.

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