Le cas MetroVG : Copyright-troll et plateformes

13 minutes

Je parle rarement de drama et de choses du genre, mais c’est un cas qui est – je pense – intéressant à étudier, sur un sujet extrèmement niche, et un cas de copyright troll assez spécifique. Avant toute chose, un point très important : détester la personne dont je vais parler (ce « MetroVG ») ne sert à rien. La personne a un pouvoir de nuisance mais toute compte fait assez réduite, et aller l’attaquer n’apporterait rien à personne. Cependant, regarder ce cas pour voir les soucis qui peuvent exister peut être intéressant.

Le 2 Décembre 2023, Harry Brewis, plus connu sous le pseudonyme de hbomberguy à fait une très longue vidéo ou il parle de plagiat. Et revoir la vidéo m’a rappelé que j’ai connu un cas très particulier de plagiat ses derrières années, le cas MetroVG. Ce cas était particulier, parce que la personne qui faisait ça avait zéro subtilité dans la manière dont il volait des créations obscures pour tenter de se faire passer pour un compositeur prolifique (et faire de l’argent sur le travail d’autres artistes).

Je ne vais pas rentrer dans une recherche complete de tout ce qu’à fait MetroVG, mais plus essayer de parler du soucis global, et de ce que je pense que ça montre sur les plateformes de diffusions de média sur internet.

Un copyright troll

Je vais remonter dans le temps sur quand j’ai découvert le sujet, ce qui est parce que je pense que cela montre aussi la manière dont cette personne s’attaque parfois à ceux pour qui ce sera plus dur de se défendre.

J’étais à cette époque en train de travailler sur un projet de jeu indé libre (toujours en cours de travaux) et je cherchais notamment des assets libres pour pouvoir le faire et avoir tout le jeu libre et réutilisable. Et j’étais tombé sur les musiques de l’incroyable SketchyLogic, notamment cette soundtrack : https://opengameart.org/content/nes-shooter-music-5-tracks-3-jingles

Cependant, un des commentaires m’a surpris :

Il s’agit d’un morceau de musique extrait et réassemblé à partir de notre Venus Force Five : The Game pour NEC PC-8801 mark II. Nous avons déposé un copyright auprès de JASRAC, et maintenant il est disponible sur Google Play et ITunes Store !

Nous vous recommandons vivement d’indiquer le nom de l’auteur/éditeur original, faute de quoi nous contacterons l’administrateur du système pour qu’il supprime l’œuvre du site web. Nous disposons de tous les documents relatifs à l’artiste et à l’œuvre.

— Un compte nommé « METROVG STUDIO BLUEBIRD STAFF » sur OpenGameArt.org

Les messages suivantes indique que c’est un patent troll, que MetroVG a été dans l’incapacité de montré la moindre preuve que ces musiques (présentes depuis 4 ans sur OpenGameArt au moment de l’attaque et qui avaient fournis les fichiers source famitracker en plus) étaient faite par le studio.

Bien des trucs indiquaient déjà que c’était un Patent Troll, mais j’avait décidé de commencer à chercher plus, notamment sur ce fameux jeu (qui du coup aurait été fait sur PC-88, un ancien ordinateur japonais). On en trouve très peu de trace, à savoir exclusivement :

  • Un playthrough d’une version OpenBOR sur youtube
  • Un message sur un forum par rapport à cette version OpenBOR
  • Son « OST » sur Youtube

MetroVG est le produit d’un « artiste » (entre guillemet parce qu’il semble plus être un voleur de musique) nommé (ou utilisant comme nom sur internet) Yusup Dalmaz, qui se présente de la manière suivante sur sa chaine youtube.

Yusup Dalmaz est un compositeur de jeux vidéo, blogueur et artiste héréditaire bulgare puis japonais. Il a écrit la musique de la plupart des jeux vidéo, et est également l’héritier du travail de son père, Agabek Dalmaz, qui a écrit la musique des jeux vidéo Magical Blocks Carat, Cyberblock Metal Orange et Can Can Bunny Superior et a travaillé avec Yoshio Furukawa, Hitoshi Sakimoto et d’autres personnes classées… Style d’exécution des compositions – chiptune, électronique, bande sonore.

Largement connu du public, son profil est vérifié sur YouTube. L’artiste est surtout connu pour le single Quantum, qui est un remix de l’une des pistes du film « A Clockwork Orange ». L’artiste écrit également de la musique « sur commande ».

Le principal public de l’artiste est le Japon. Expérience dans le domaine de la musique – 3 ans, labels avec lesquels il a coopéré : Digital project, ydlmz Sound, MetroVG et World Media Alliance. Les perspectives d’avenir de l’artiste sont d’entrer sur la grande scène et à la radio afin que ses mélodies puissent être entendues dans le monde entier.

— La chaine youtube de Yusup Dalmaz

Une grande partie de tout cela est faux, comme nous allons le voir. En regardant de nombreuses musiques de ses « OST », on peut remarquer qu’il s’agit de demake de musiques de jeux, parfois assez connues :

Tout portant du coup à croire que du coup, son mode d’opération est de reprendre des OSTs et musiques chiptune pour tenter de les faire passer pour d’anciennes musiques et « réécrire l’histoire » pour se faire de l’argent dessus.

Ça remonte plus loin

Une vidéo youtube avait été faite (puis un repost par un autre vidéaste) pour parler des soucis lié à cette personne et ses copyright claims abusifs… mais a été copyright claim par MetroVG.

Screenshot de youtube ou il est écrit (traduit de l'anglais) :

Je pense que cela montre aussi la manière dont les copyright claim peuvent être utilisé pour faire taire des critiques, et montre le manque de réelle modération de youtube : si une vérification humaine avait été faite, la vidéo n’aurait sans doute pas été retirée, parce que cela aurait montré que non seulement le claim était abusif, mais aussi que le fait que cette personne fasse des claims de musique l’était.

Dans cette vidéo (et comme l’indique les informations montrée par ce thread twitter, qui du coup se retrouve à être la seule source disponible de l’article, puisque la vidéo a été claim avant que je finisse de rediger l’article), il était indiqué qu’il a fait de nombreuses actions pour tenter de se faire passer pour propriétaire des musiques, a longuement changé de discours sur s’il était le PDG ou non de l’entreprise MetroVG, et qu’il n’a pas hésité à mentir directement devant les gens qui savaient que ce qu’il disait est faux, allant jusqu’à inventer un faux document et le poster directement à Yanagi Hirohiko pour lui dire qu’il avait vendu son entreprise à un certain Mikhail Nomura (ce qui est déjà un peu étrange comme nom, on remarquera). Il tente de récupérer des droits entiers, pour pouvoir gagner de l’argent avec.

Je ne vais pas m’étaler longuement sur l’absurdité des claims, sur l’aspect un peu « wololo c’est ridicule », qui est je pense largement mieux exprimé (et plus efficace à montrer) dans la vidéo que j’ai cité plus haut. Un des exemples les plus récents est un de ses tweet du 22 Février, ou il a posté une vidéo avec un prototype (le tout dans sa bataille contre Furukawa) pour tenter de montrer qu’il a bien raison sur ses prétentions à avoir les droits sur différents vieux jeux.

https://nitter.net/ydlmzSound/status/1628252149095321601#m

(liens nitter pour préserver la vie privée)

Cependant, en regardant la vidéos, peut-être que la musique présente dans le prototype vous dira quelque chose. Et ce serait pas étonnant, parce que le jeu d’où elle vient n’est pas inconnu : il s’agit d’une musique de Sonic Mania :

Le soucis des plateformes

Et du coup, on peut se poser une question par rapport à tout ça. Pourquoi en parler, pourquoi est-ce que je pense que c’est important ? C’est parce qu’au fond, toute cette histoire montrer aussi des soucis autour de notre manière de gérer le copyright, via la technologie.

Une personne random n’ayant aucun rapport avec des musiques à pu, parce qu’il les a enregistré en premier dans des tonnes de plateforme diverse, se faire passer pour le propriétaire du copyright de tonnes de musiques. On notera qu’il tente rarement de s’attaquer à SEGA, Capcom, etc, mais souvent plus aux individus qui le critique directement, ou a faire des copyright claim pour tenter de garder l’argent sur les musiques qu’il exploite.

Et comme ces musiques sont dans le content-id, il a pu attaquer diverses, vidéos. Dans le message ou j’ai découvert cela, des personnes ont indiqué s’être fait attaquer sur leur jeu qui utilisaient une musique libre de droit qu’il avait claim :

Bonjour,

J’ai reçu un DMCA takedown sur mon jeu Steam qui utilisait plusieurs de ces titres. Si vous avez des preuves ou des informations qui vous ont permis de réaliser qu’il s’agissait d’un patent troll, j’en serais très reconnaissant. La dernière chose que je souhaite, c’est d’être impliqué dans une situation juridique difficile pour un jeu que je distribue gratuitement sur Steam.

Je vous remercie !

— Utilisateur UpsilonGames sur OpenGameArt

De nombreuses plateformes sont maintenant polluées de musiques volées, et ce alors qu’une investigation indique à quel point la personne qui a fait tout ça est une fraude. Mais c’est le soucis : il faut chercher. Et plus on veut automatiser, plus on veut remplacer les êtres humains par des IA, plus ce genre d’abus est possible. Notre système est automatisé, et notre vision du copyright n’est pas adapté à un monde comme il est aujourd’hui. Il y a des tonnes de nuances dans comment est géré l’art, et il est quasiment à la portée de bien plus de gens qu’hier.

L’automatisation et « l’internet des métadonnée » (le fameux « web sémantique ») font que c’est simple d’enregistrer des informations et de se faire passer pour le créateur originel si on ne fait pas de vidéo derrière. On pouvait retrouver cela à l’époque des NFTs, quand des gens enregistraient les oeuvres d’autres personnes sous formes de NFTs, ou dans toutes les boutiques qui utilisent des bots pour repiquer les œuvres d’artistes pour les revendre. Il est bien plus simple d’automatiser la fraude et le vol puisque ceux-ci ne s’embarrassent pas de la justice.

Mais ici, y’a vraiment je pense ce danger en plus : via les copyright claim, des créateurs originaux de musiques, ou des gens utilisant des musiques de manière tout a fait légitime, peuvent se faire retirer leurs créations. Et dans ce genre de cas, il est bien plus simple pour une grosse corporation ayant du pouvoir et de l’argent de faire valoir leur droit que pour de petits créatifs.

Conclusion

Au fond, Yusup Dalmaz n’est qu’une de ces nombreuses personnes qui utilise le système et l’automatisation pour récupérer de l’argent sur les travaux des artistes. Des comme lui, il y en a des tas, mais tout cela indique à quel point les dés sont pipés contre les artistes les plus faibles. Et le danger est je pense que ce genre d’attitude arrivent de plus en plus. Ici, on a de la chance qu’il s’agisse de quelqu’un de pas très doué : il couvre mal ses traces, il s’attaque à des artistes ou des grosses fan bases peuvent reconnaitre, et ne réussi pas vraiment son coup.

Mais avec un système aussi foireux, il peut devenir facile de chercher des petits artistes sur des petites plateforme, enregistrer leurs travaux, et ensuite les copyrights claims, et pour peux que quelqu’un réussi mieux à fabriquer des fausses preuves crédibles, ne se met pas à copier de manière évidente des trucs super connus… il deviendra bien plus difficile à attaquer.

C’est pour cela que je pense qu’il est important pour les artistes d’avoir leur art sur au moins une plateforme ou il y aura des vérifications manuelles. Ne pas poster qu’à un endroit qui pourrait se faire copystrike (surtout youtube dont les abus du système de copyright ont été bien démontré plus haut). Et il est important de faire pression sur les plateformes pour qu’elles fassent de vrai investigations quand des cas arrivent.

Source de la miniature : Le Voleur désappointé (lithography by Villain)