L'huile de serpent et le progrès technologique

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La semaine dernière, j’ai posté un article sur le fait qu’il fallait éviter le passéisme dans la small tech et le small web. J’y avais conclu qu’un des objectifs de la small tech devait être de combattre l’idéologie des techbros, qui tentaient de définir le progrès d’une manière qui les arrangeait.

En effet, je pense qu’il y a un grand moyen dont des compagnies ont réussi à gagner en puissance, en grande partie en se présentant comme les tenancier du progrès, comme ceux qui allaient amener le “futur”.

Dans cet article, je vais un peu indiquer en quoi je trouve qu’ils sont un peu tel des vendeurs d’huile de serpent. Cet article fait un peu suite à mon ancien article sur la hype dans la tech, et fait un peu la contrepartie de mon article sur les risques d’être trop passéistes.

Le manifeste techno-optimiste

Y’a quelque mois, un venture capitalist (Andreesen Horowitz) avait sorti un “manifeste techno-optimiste” pour raler sur les grands méchants qui osent parler de décroissances, critiquer certaines “avancées technologiques” récente, etc. C’est un gros gloubi-glouba extrèmement sur de leur intelligence, qui croit que les révolutions technologiques c’est “donnez nous un problème, et nous pouvons inventer une technologie pour le résoudre” (SIC). Rien que ça disqualifie ce texte, parce que c’est complètement anti-historique : c’est

We believe that there is no material problem – whether created by nature or by technology – that cannot be solved with more technology. – Le “manifeste techno-optimiste”

Ceci est faux : ce n’est pas comme il dit dans sa structure : “Nous avions un problème de […] donc nous avons inventé […]”. C’est untel problème à existé pendant des siècles et parfois une solution partielle a été trouvé (et a en effet participé à améliorer la vie de pleins de gens) à un moment m de l’histoire. Et rien que ça change fondamentalement la donne. Parce que chacun des problèmes qu’il présente, comme si y’avait une solution un jour qui avait tout résolu, a en fait été résolu partiellement par la combinaison de tonnes d’avancée, de choix, etc. Genre l’invention de la lumière électrique n’a pas à elle-seule résolu le problème de la pénombre (déjà des moyens de s’éclairer moins bon existait avant, mais c’est un autre sujet) : s’il n’y avait pas eut des politiques d’éclairage public, les rues seraient toujours sombres.

Le but de ce manifeste n’est pas de rendre les gens “techno-optimiste”. C’est de supprimer l’idée que certains soucis ne peuvent être résolu que par des choix de politique public. C’est ce qu’on retrouve dans les tentatives de pousser les voitures électriques face aux trains, comme étant “plus le futur”, étant la “vrai solution”. Parce que les voitures électriques sont un produit, là ou les trains sont des infrastructures.

Le but aussi c’est de faire croire que c’est eux qui représente le “progrès” et pas potentiellement d’autres propositions technologique : un des trucs que les vendeurs d’huile de serpent numérique réussissent face à trop de gens est de faire penser qu’ils représentent le “futur” et le “progrès inéluctable” (j’en avais déjà pas mal parlé sur la hype du numérique). Pour certaines au bout d’un moment ça se dissipe (NFT, metavers), pour d’autres ça reste (genre les algorithme nul des trucs genre twitter/facebook/etc).

Progrès et biais du survivant

En fait un des gros trucs à comprendre c’est que le “progrès” c’est pas une instance neutre de “toute nouvelle découverte fait partie du progrès”. Y’a un immense biais du survivant dans la notion de progrès. Pour une idée excellente amenant le “futur”, des tonnes d’idées n’ont pas marché. Le hyperloop présenté par Musk et d’autres entreprises est une idée qui a souvent été présenté comme le “futur”, et pourtant ne fait jamais de progrès, n’arrive jamais vraiment. Certaines vidéos d’Adam Something indiquent bien que le concept même de l’Hyperloop est foireux, et cause plus de soucis qu’ils en résolvent (vidéo en anglais).

Avant la première machine volante, des tas se sont crashé, voir était basée sur des idées qu’on verrait aujourd’hui comme complètement stupide.

Et parfois, certaines modifications n’ont pas été neutre ou positives, mais ont été une régression, parce que poussée par des volontés commerciales, etc. Le fait de mettre énormément en avant le “tout nouveau modèle” d’un appareil, pousser vers l’obsolescence est contrairement rétrograde par rapport aux besoin de notre époque ou du futur. Un vrai progrès serait plutôt de rallonger de plus en plus la longévité des objets. De même, pour moi, c’est de l’anti-progrès. Idem, le fait de faire des technologies de plus en plus gourmande (crypto, IA)

Et du coup pour moi c’est le véritable but : présenter que leur avancée à eux, c’est ça le “progrès”. Et j’aimerais qu’on se pose ici la question suivante :

Est-ce qu’ils font de vrai “progrès” ?

Progrès et anti-progrès

L’autre manière de poser la question est “est-ce que toute découverte technologique est du progrès” ? Est-ce qu’on peut pas faire des découvertes de merdes ? Est-ce que des technologies ne sont pas inutiles en soit tant qu’il n’y a pas derrière des investissements. C’est quoi au fond, “le progrès” ?

Parce que je pense que beaucoup de choses qui nous sont vendus comme du “progrès” créés une expérience qui est pire pour les utilisateurs et tout le monde. L’IA, pour quelques potentialités, a surtout servis à créer massivement du spam, a empirer l’expérience du web dans de nombreuses personnes, au point ou d’immense blocklistes doivent être fait pour lutter contre ça dans Google et co. Est-ce qu’un monde ou tout est traité comme une plateforme commerciale, comme une place de marchée est véritablement un progrès ? Est-ce que cela rend le monde mieux ? De même pour la manière dont l’ajout de spéculation est souhaitée. La financiarisation massive du web.

Est-ce qu’un réseau social devient mieux si l’intérêt à faire les postes de plus en plus vu pour gagner des revenus de pubs, amplifiant le même genre de biais que la recherche de profit du réseau causait déjà, au lieu de pousser la discussion et l’envie de partager ?

Est-ce qu’un site de partage d’art devient mieux en devenant en mettant l’accent sur les aspects commerciaux (ventes d’art, ), surtout combiné avec l’IA, au lieu d’être avant tout un moyen de partager l’art qu’on a fait avec en plus après les features pour permettre aux artistes de gagner leur vie ?

Le web actuel est envahi de scams et d’arnaques, de “tentative de gagner de l’argent avec le moins d’effort possible”. Le monde de la crypto a été notamment un endroit complètement occupée par ces phénomènes. Et on nous dis souvent d’accepter certaines choses au nom du progrès. Quand on critiquait la crypto ? On nous disais de nous taire, et que c’était le progrès (mais heureusement les crypto n’ont pas été des survivants.

Conclusion

Pour moi, il faut ramener l’idée de progrès à l’idée de progressisme. Le progrès technologique n’est pas “plus de technologie”, c’est une technologie qui rend activement le monde comme meilleurs. Il faut toujours se poser la question suivante : « Qu’est-ce que cette technologie va apporter à la société ? »

Et il faut à tout prix se méfier de l’apparence de futurisme. Pour moi, un excellent exemple à cela est la proposition de Walmart sur le fait de faire ses courses “dans le métavers”, dans un magasin reproduit en 3D. Cependant, qu’est-ce que cela apportait vraiment ? Parce qu’on se retrouvait avec les soucis des deux méthodes :

  • Contrairement au courses en ligne, on avait tout l’aspect “long” de faire ses courses IRLs
  • Contrairement au courses IRL, on devait attendre la livraison pour recevoir ses produits.

L’idée faisait “esthétique”, pourrait même super bien marcher dans une intrigue de science-fiction, être un lieu intéressant d’histoire. Mais dans notre vrai monde, ça aurait été une catastrophe.

Et c’est le soucis d’une grande parties des “entreprises de la tech”. Tesla avec ses Robotaxi est un autre excellent exemple de cela : des voitures individuelles automatisées, qui ont majoritairement des défauts par rapport aux transports en communs : moins de densités de transport, moins de prévisibilité (donc moins de fluidification du service)… Mais cela ressemble à du “future”.

C’est pour cela qu’il nous réfléchir au progrès sous la question du futur que l’on souhaite.