Parlons un peu d’émulation

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Récemment, les sites LoveROM et LoveRETRO ont fermé, après une menace d’action en justice de Nintendo. Ceci fait suite à la fermeture des archives de fichier roms du suite emuparadise. Après ces événements, j’ai remarqué pas mal de rumeurs et d’idée reçues sur l’émulation, que j’aimerais un peu discuter dans cet article.

Pour réfléchir sur ce sujet, nous allons procéder en trois étapes :

  • Est-ce que l’émulation est véritablement illégale ?
  • Pourquoi est-ce que l’émulation est plus attaquée maintenant ?
  • Pourquoi défendre l’émulation ?

L’émulation est-elle illégale ?

Une première idée reçue que l’on retrouve souvent est « l’émulation est illégale », notamment face aux produit d’émulateurs. Cette idée reçue à une origine simple, celle de la confusion entre émulation comme le fait d’émuler une machine, et le piratage de jeux-vidéo sous copyright sous la forme de fichier rom ou isos.

Les émulateurs en eux-même ne sont pas illégaux : il s’agit de produit de rétro-ingénierie, qui n’est pas illégale tant que sont produit n’est pas obtenu illégitimement et si la licence (EULA) ne le prohibe pas spécifiquement. A noté qu’en Europe s’ajoute le fait que la brevetabilité du logiciel n’est pas acceptée « en tant que telle »).

Ce qui est illégal est alors le piratage de produit sous copyright. Les roms présent sur ces sites correspondent à des jeux qui sont encore protégé par les droits d’auteurs (et qui le seront encore pendant longtemps). En fin de compte, ce qui se passe avec Nintendo est très proche de la même question au niveau de la musique et des films.

Pour donner quelques exemples d’utilisations tout à fait légale de l’émulation, je peux en avoir des très simple :

  • Lorsque vous jouez à un jeu sur la virtual console de Nintendo ou les Megadrive Classics de SEGA. On peut remarquer que cette seconde à même permit aux créateurs de romhack (des versions modifiés de jeux diffusé sous format de rom). De même si vous jouez à une NES mini où une Megadrive de ATGames. (à noter pour ce second que vous pouvez même émuler des jeux sur une cartouche d’origine !)
  • Si vous jouez à un jeu d’origine (où une copie faite par vous même, même si la question des copies de sauvegarde des jeux est complexe) sur un émulateur, à travers des appareils comme la future Smart Boy d’Hyperkin
  • Si vous jouez sur émulateur à un homebrew (un jeu « fait maison » construit pour une plateforme de jeux-vidéo spécifique) diffusé gratuitement, où dont vous avez acheté la rom. Par exemple, le jeu TangleWood est diffusée pour différente plateforme et diffuse notamment son fichier rom parmi les fichiers du jeu. Vous pouvez de ce fait y jouer avec un émulateur (voir si vous en avez une sur une console propulsée par Lakka, Recalbox ou Retropie)

Même dans ce genre de cas, l’émulation à des aventages : les roms homebrew gratuites où vendues peuvent tourner sur toutes les plateformes sur lesquels l’émulateur tourne (ce qui est particulièrement utile quand on prend en compte le fait que certains émulateurs open-source ont été portés sur quasiment toutes les plateformes possibles). On peut dans ce cas supposer que c’est vers ce genre d’usage qu’Emuparadise va se tourner, quand ils indiquent se diriger vers de nouveaux horizons ? Il existe en effet des tas de homebrew développé par des communautés, qu’ils soient gratuit où payant, et de ce fait des tas de moyen de continuer à faire vivre l’émulation et le retro de cette manière.

Bref, l’émulation est une technologie qui n’est pas illégale en soi, c’est le piratage de jeux informatique qui l’est. Techniquement, Nintendo ne peut pas attaquer des projets comme libretro, par exemple, mais uniquement les sites de distributions de roms.

Pourquoi cela arrive maintenant ?

Une seconde question qu’on pourrait se poser est « pourquoi maintenant » ? Sachant que je considère maintenant non pas comme « l’été 2018 », mais la période actuelle du jeu-vidéo. En effet, si c’est illégale, pourquoi ce serait surtout maintenant qu’on verrait plus de volonté de supprimer l’émulation illégale, bien plus qu’il y a dix ans ?

Tout d’abord, il faut savoir que même s’il y a eut une grosse étape de franchise récemment, cela fait longtemps que Nintendo lutte contre les sites d’émulations, et que d’autres compagnies aussi. Des sites de roms qui apparaissent et disparaissent, ça existe depuis des années, et ce n’est rien de nouveau. Cela fait notamment un moment que plusieurs sites d’émulations ont retirés les roms de jeux parus sur des consoles Nintendo.

Cependant, je pense qu’il y a quand même des événements récents qui explique ce développement, et que ces nouvelles attaques sont explicable également par des phénomènes récents, en plus de la volonté de Nintendo de protéger sa marque.

En effet, nous pouvons remarquer que le retro est de plus en plus en vogue. Ce n’est pas un phénomène nouveau, mais quelques étapes ont été franchis ces dernières années, avec pas mal de types de produits exploitant le retro :

  • On retrouve plus d’émulation légale, avec les consoles à émulation (Nes Mini, SuperNes Mini, et les Megadrive de ATGames) et les consoles virtuelles.
  • On a pas mal de remakes ou portage de jeux rétro, pouvant être plutôt bons tel le remake de Wonderboy: The Dragon’s Trap, les fantastiques portage Android des jeux Sonic the Hedgehog par Christian Whitehead ou le remake de Metroid 2… Mais également parfois moins bon tel le portage PC de Chrono Trigger. Ces remakes permettent d’expérimenter des jeux classiques, mais généralement seulement les plus populaires.
  • Des jeux « neo-retro » qui visent à faire des jeux dans le style, ou dans une certaine continuité, des jeux retro. On peut retrouver comme exemples Sonic Mania, les Mega Man récents ou – pour prendre moins bon – le Bubsy récent.

Aucun de ces phénomènes n’est « nouveau » en soi, mais tous se sont amplifié, avec de plus en plus d’exemples ces dernières années. Et je pense que ces éléments nous permettent de mieux comprendre pourquoi les compagnies luttent activement contre cette pratique – en plus du fait qu’elle est illégale : L’émulation fait donc plus concurrence qu’avant avec des produits commercialisés. C’est notamment vrai pour les produits de la catégories 1, et une partie de ceux de la 2 quand ils n’offrent pas une véritable plus-value (un Chrono Trigger PC ou même les portages de Sonic CD seront plus affecté par l’émulation qu’un Pokémon HeartGold, à mon avis). Cela fait que l’émulation est aujourd’hui plus que jamais considéré comme un « manque à gagner » pour les grandes compagnies du JV.

En cela, en se défendant contre ce qu’ils estiment être un manque à gagner, on peut remarquer qu’ils sont dans la même problématique que les autres types de productions dans le cas du piratage plus « traditionnels » (films, musiques…). Cependant, il y a une différence principale, celui du fait que cela se produit plus dans des plateformes plus fermées que pour les piratages de musiques, ebooks, etc.

Pourquoi défendre le piratage ?

Pourquoi défendre le fait de faire quelque chose d’illégal ? Généralement c’est quand on estime que les lois sont imparfaites ou quand on estime qu’on en a besoin. Ici, je pense qu’il y a un certains nombres d’arguments qui font la popularités et la défense de l’émulation, même illégale. Mon but n’est pas de vous convertir, de vous dire que vous aviez tors d’être contre l’émulation si vous l’étiez, mais de présenter différente perspective qui expliquent le phénomène.

Certains de ces points de vues sont également valable pour les autres formes de piratage (notamment celui de films).

La gratuité

C’est le premier que je vais dire, et une des populations qu’on critique le plus : ceux qui émulent parce que c’est gratuit. C’est, je pense, la plus nombreuse, et je pense que c’est aussi important de rappeller pourquoi ce phénomène existe, plutôt que de faire « ouin ouin jeunes paresseux qui veulent pas acheter Fire Emblem Path of Radiance pour le prix d’un de leur reins ».

Si on a souvent tendance à estimer que c’est dû à une « paresse » ou une « radinerie », je pense qu’il y a aussi des gens qui émulent parce que c’est un peu le seul moyen qu’ils ont à jouer à des jeux. Le prix d’un jeu (et encore plus d’une console de jeu) ne représente pas la même chose pour toute les populations. (c’est d’autant plus vrai si on prend en compte dans les différents pays : tous les pays n’ont pas la même salaire médian !)

Bref, accuser de radinerie les gens piratant est simpliste, et est signe selon moi surtout d’un certain élitisme qui sévit dans le monde vidéoludique, qui est de plus en plus avec la montée des prix à la fois des jeux neufs et de l’occasion un luxe. Surtout vu certains cas que l’on va voir après.

L’accessibilité

Pour certaine personnes, c’est le seul moyen de jouer à des jeux fantastiques. Des tas de jeux ne sont tout simplement pas accessible sans piratage ou alors à des prix exorbitant (notamment à cause de la spéculation autour du jeu rétro : n’avez vous jamais remarquer les prix de jeux rétro augmenter après une vidéo du joueur du grenier ? La demande augmenter, donc les prix augmentent).

On peut voir quelques cas de figures :

  • Certains jeux ne sont jamais sorti hors du japon, et la seul manière d’y jouer en anglais, français, etc… est de passer par un patch et un fichier rom. Un exemple à cela est le célèbre Mother 3, réclamé à grand cri par les fans.
  • Des tas de jeux ne sont tout simplement plus accessible : pas émulé légalement, jamais remaké, et les versions rétro sont soit introuvable, soit bien trop cher. Quelques exemples de cela sont le fantastique Panzer Dragoon Saga, mais même des jeux plus récents comme les Fire Emblem très appréciés Path of Radiance et Radiant Down. Il y a même des cas où comme le jeu était dématérialisé, il n’existe même pas de version retro ! Un exemple ancien à cela sont les jeux sorti sur la Satellaview ou sur le SEGA Channel. Et cela risque d’augmenter considérablement dans le futur, avec le fait d’avoir de plus en plus de jeux dématérialisés : de nombreux jeux ne pourront être rejoué qu’en piratant.
  • Dans des tas de régions du monde, c’est carrément le seul moyen d’accéder aux jeux rétro ! Dans le message d’émuparadise, le créateur à indiqué avoir grandi en Inde et ne pas avoir eut accès à des tas de jeux retro.

Dans ce genre de cas, le piratage est le seul accès vers une partie de la culture vidéoludique : la situation actuelle fait que c’est tout simplement parfois le seul moyen d’avoir accès à certains jeux.

Un moyen d’approfondir l’expérience.

Parfois, on pirate des jeux qu’on a déjà. ( D’ailleurs, non : pirater un jeu ne devient pas légal quand vous possédez l’original :p ) Dans l’acte de pirater, c’est le partage et la récupération d’une copie illégale qui est le soucis, pas de jouer aux jeux sans l’avoir acheté – même si je ne doute pas le moins du monde que certains vendeurs aimeraient interdire le prêt pour cela.

Les émulateurs et les plateformes récentes présentent pas mal d’avantage face à « l’expérience originelle », mais les utilisateurs n’ont pas forcément envie de repasser à la caisse pour rejouer différemment à un jeu qu’ils ont déjà.

Un premier de ces « approfondissement » est le romhacking, des modifications de jeux faites par les fans, pour les fans. Avec le romhacking, l’émulation est un moyen de redécouvrir, voir même de pouvoir découvrir le jeu originel. On peut prendre comme exemple les « randomizer » de Pokémon, des hacks qui mélangent aléatoirement les pokémons que l’on peut trouver et qu’on va combattre, offrant alors un nouveau challenge. D’autres exemples sont les modifications de la difficultés, voir la créations de tout nouveaux jeux à partir des précédants. Et parfois, cela offre des corrections de bugs, des tweaks ou autre qui rendent le jeu plus agréable à jouer ou plus accessible (Sonic 2 Sweet Relief tlm t’aime). Le romhacking offre pas mal de possibilité pour découvrir les jeux, et possède une communauté active et impliqué. Cette communauté va donc défendre souvent l’émulation dû à cela.

Un autre exemple est tout simplement pas mal de services modèles accessibles surtout par émulation, grâce à des ajouts (savestate, rembobinage, latence parfois en dessous de celle des consoles, voir des services comme retroachievement qui offrent des succès à débloquer dans des jeux retro.

Les plateformes

Ce dernier points n’est pas vraiment une autre « raison », mais un point particulier qui affecte la question du prix, et la question de l’accessibilité : les plateformes de diffusions de ces jeux. Si certains jeux sont diffusé sur PC ou sur Android (soit des plateformes possédées par une grande partie de la population, une partie des autres ne sont accessible que sur des plateformes spécifiques, qui ne sont pas forcément possédé par tous.

Pour ceux qui ne sont pas émulés sur des plateformes modernes, il faut compter en plus du prix en occasion le prix d’une console retro. À multiplier par le nombre de plateformes différentes sur lesquels sont ces jeux. Cela peut finalement augmenter considérablement le prix de jeux rétro. Pour ceux qui sont émulés sur des plateformes modernes, cela demande d’avoir ladite plateforme. Même si une partie de la population possède au moins une console modernes, cela fait qu’ils n’ont accès qu’à une partie du marché des jeux-vidéo.

Tous ces points ne veut pas dire que cela rend le jeu retro inabordable pour tous, mais c’est un élément à prendre en compte : comme pour le piratage de films et de musique, l’émulation est actuellement plus simple d’accès que pas mal de solutions légales, et offre une plus grande liberté, permettant d’utiliser le support que l’on eut, plutôt que d’être enfermé dans un seul support.

Conclusion

Dans tout le phénomène de l’émulation, il faut commencer par se questionner sur les sources de son existence. Pourquoi l’émulation illégale de jeux retro existe ? Je pense que les éléments évoqués précédemment y sont pour beaucoup, et qu’ils font partie de ce à quoi les éditeurs devraient réfléchir pour vraiment enrayer le phénomène.

Seuls une partie des jeux retro sont accessible en émulation, et souvent avec des limitations de plateformes et d’accès. De ce fait, on peut se demander si la véritable solution pour baisser le phénomène, c’est de les rendre plus accessible. Certains diront que les jeux-vidéo ça a toujours été comme ça, avec des plateformes fermées, le fait que pour profiter d’un jeu sur une plateforme récente faut le racheter, et que ça existe aussi dans d’autres média (lecteur VHS, DVD, BluRay). Cependant, est-ce que c’est parce que cela a toujours été comme ça que cela cesse d’être critiquable ?

L’émulation créer une couche de compatibilité qui permet à des jeux d’être joués partout, et est super facile d’accès. C’est peut-être une des sources de son succès, tout comme pour le piratage (et sans doute pour bien des choses sur internet) : c’est accessible.

Le piratage est pour beaucoup de gens le moyen de jouer à ces jeux, voir même « à des jeux » tout court.